CHARGE DOMESTIQUE, CHARGE MENTALE
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Ce sujet est abordé dans d'autres fiches sur GENRIMAGES, son traitement ici sera volontairement court pour pouvoir être traité durant un cours.
DÉFINITION
La charge mentale est un « travail de gestion, d'organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectif la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence », selon la chercheuse Nicole Brais (Université Laval, Québec).
Il s’agit davantage de la charge cognitive associée à la gestion propre des tâches domestiques que de la réalisation de ces tâches.
Le problème ? Cette charge n’est pas répartie équitablement au sein du couple et reste encore aujourd’hui majoritairement supportée par les femmes, accentuant les inégalités sur le marché du travail. (Source )
ÉLÉMENTS D'ANALYSE
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Tâches ménagères
La répartition des tâches ménagères et du temps consacré aux enfants au sein des foyers est toujours inégalitaire (voir détail des chiffres ci-dessous) ; comme nous le rappelle cet article " Deux tiers du temps travaillé par les hommes est rémunéré. Chez les femmes, c'est le contraire : elles passent deux tiers de leur temps travaillé à faire gratuitement ce qu'on appelle depuis 1970 du travail domestique. "
En plus de la vie professionnelle, du "travail domestique", la charge mentale est encore une charge supplémentaire, en grande majorité portée par les femmes, qui consiste à tout prévoir, tout organiser, devancer, penser à, ne pas oublier de... Alors que le développement personnel célèbre les bienfaits de "vivre le moment présent", pour la majorité des femmes le présent est non seulement celui qu'elles vivent, mais aussi tout ce à quoi elles doivent penser en même temps pour permettre le bon fonctionnement familial. Et ce n'est pas en s'organisant mieux que la charge sera allégée, mais seulement si elle est partagée.
À ce propos, il est évident que certains hommes en prennent une partie en charge, comme il est indéniable que certains autres, beaucoup, prétendent pouvoir (ou vouloir) le faire si seulement on leur dit quoi faire... ou comment le faire…
Ainsi le "qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? "qui sous-entend qu'il rend service dans la réalisation de SES tâches (rappelons qu'il s'agit de tâches qui concernent le foyer)
ou "dis-moi ce que tu veux que je fasse" où l'homme s'infantilise et se positionne comme exécutant, donc pas concerné directement.
Ou le fameux "t'as pensé à... ?"
Voir à ce sujet le savoureux compte Instagram taspensea
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La publicité "Do it together"
Questions
- Quelles sont les tâches assurées par le père ?
- Que fait la mère ? Que font les enfants ?
- Qu'en pensez-vous ?
- Pourquoi ce choix d'inversion ?
- La charge mentale : imaginez/écrivez tout ce qui se passe dans la tête du père tout au long de la journée en rapport avec la bonne organisation de la vie quotidienne familiale (ne pas oublier de... penser à ... préparer... téléphoner... acheter, etc.) sur le modèle de la BD d'Emma citée en introduction.
Le père dans cette publicité est donc le premier levé : il ramasse et regroupe les affaires qui trainent, prépare le petit déjeuner (jus d'oranges pressées, omelette, toasts…), réveille les enfants, leur sert le petit déjeuner tout en leur prêtant une oreille attentive, sert le petit déjeuner à sa femme, conseille sa fille dans le choix de son vêtement (notons ici qu'évidemment ce n'est pas le petit garçon qui hésite entre 2 tenues), repasse la jupe de sa femme tout en téléphonant et en regardant/vérifiant la météo, apporte un parapluie à sa femme ainsi que les boites à gouter oubliées des enfants et part travailler.
En fin de journée, il va chercher les enfants et faire des courses, il câline sa fille, aide à la douche, met le linge dans la machine à laver, joue avec son fils (ici encore des stéréotypes sexués sont à l'œuvre : câlin pour la fille, jeu physique avec le fils), met la table, fait la cuisine pour le diner, accueille sa femme (on ne le voit pas, mais on peut imaginer qu'il s'occupe de la vaisselle pendant que sa femme va coucher les enfants) et peut-être même étendre la linge... Puis il peut enfin se poser (grâce à sa femme qui va s'occuper des enfants, il a manifesté un petit peu de ras-le-bol/fatigue)...
Il s'agit bien sûr en inversant les rôles (ce qui est l'ordinaire de la vie des femmes est ici vécu par un homme) de faire prendre conscience de la multitude des tâches, responsabilités effectuées par les femmes, mais aussi de leurs facultés d'anticipation et d'écoute. Tout ce qui nous parait habituellement normal, naturel.
La charge mentale est, elle, invisible...
Imaginons ce que ça pourrait donner pour ce père :
Pendant sa journée de travail, il ne peut s'empêcher de penser à ce qu'il va acheter/préparer pour le diner, mais aussi qu'il ne doit pas oublier de préparer les affaires de piscine pour la fille ou le fils pour le lendemain, de prendre rdv chez le pédiatre/dentiste pour les enfants, qu'il faut payer les activités de loisirs/sports, penser à l'organisation du prochain anniversaire (invitations, décoration, repas, achat des cadeaux...), prendre rdv au garage pour le contrôle technique, commencer à chercher une location pour les vacances, appeler la baby-sitter pour samedi, penser à arroser les plantes, aller rendre/emprunter des livres à la bibliothèque, acheter des chaussures à sa fille qui a beaucoup grandi, établir la liste des grandes courses du weekend, passer au pressing récupérer les vêtements de sa femme, etc. C'est aussi se demander comment s'est passé la réunion de sa femme, la récitation de sa fille, l'examen médical de son père ou sa mère (surtout penser à les appeler)...
NE PAS HÉSITER À COMPLÉTER...
Bref, on le voit, au temps d'activité professionnelle s'ajoute le temps des tâches domestiques et la charge mentale inhérente au bon fonctionnement du foyer.
Et quand il y a des animaux domestiques ? Rapport IFOP 2022
Pour s'occuper des animaux de compagnie, la charge mentale revient aussi aux femmes
Extrait
Pour François Kraus, responsable du pôle “Genre et sexualité” à l’Ifop, c’est logique. “Même si le choix d’un animal de compagnie relève souvent d’une décision collective, c’est in fine la femme qui en assume le plus souvent la charge, souligne-t-il. Car c’est à elle que les stéréotypes de genre assignent la responsabilité de la bonne tenue de la maison.”
Cette étude ne fait donc que mettre en exergue la même inégalité entre les sexes que l’on retrouve dans la prise en charge des tâches ménagères en général. “Le fait de prendre soin des animaux obéit également à la logique du ‘care’, qui s’applique aux enfants et aux personnes âgées, développe-t-il, dont s’occupe majoritairement la gent féminine.”
Dans le détail, 64% des femmes achètent davantage les produits du quotidien pour le ou les animaux -croquettes, friandises, colliers, jouets. 59% d’entre elles s’occupent de prendre rendez-vous chez le vétérinaire et 55% gèrent la prise en charge de 'animal lors des vacances.
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Partage des tâches : des chiffres (Source)
Certaines tâches comme le linge et le bricolage symbolisent encore très clairement une inégale répartition au sein des couples français en 2018 :
- trier le linge et lancer une lessive : 21% des hommes vs. 83% des femmes,
- repasser : 20% des hommes vs. 81% des femmes,
- laver les sanitaires : 22% des hommes vs. 78% des femmes,
- bricoler : 71% des hommes vs. 11% des femmes,
- sortir les poubelles : 55% des hommes vs. 21% des femmes.
L’analyse du sociologue Jean-Claude Kaufmann :
Il y a 50 ans c’était mai 68, et la révolution du partage des tâches ménagères n’a pas eu lieu. Oh ! il y a bien eu quelques petits changements, 32% des hommes déclarent faire les courses le plus souvent (14% seulement rectifient les femmes) et 13% s’occupent des enfants (4% seulement rectifient les femmes). Ah si, j’oubliais, ce sont eux qui sortent les poubelles à 55%. L’honneur est sauf ! La révolution n’a donc pas eu lieu. Mais il y a pire encore, quand on entend la réponse à la question : « Pour vous, le partage des tâches ménagères n’est plus un problème aujourd’hui ? ». 55% sont d’accord (dont 63% des hommes). Affaire classée ou presque ! L’idéal est pourtant intact. 96% des gens pensent qu’un homme qui fait la lessive est un bon exemple pour ses enfants, montrant par là qu’ils espèrent que la génération suivante fera mieux. Mais ils préfèrent s’accommoder de l’inégalité raisonnable qu’ils ont mis au point tant cela leur parait compliqué de révolutionner leur quotidien. Un exemple ? Moins d’1 femme sur 3 laisserait faire la lessive à son homme en toute confiance, la majorité le surveillerait ou repasserait derrière. Mieux vaut qu’il fasse ce qu’il sait faire, il se débrouille très bien d’ailleurs pour sortir la poubelle (les femmes leur font totale confiance pour cela à 92%). Mais entre la poubelle d’un côté (deux minutes) et le linge de l’autre, nous sommes encore loin de l’égalité ! Que voulons-nous au juste, la quiétude des ménages ou l’égalité ? Et si nous engagions vraiment la révolution ménagère ? (Source)
Papatriarcat
- Et la charge émotionnelle ?
Définition
La charge émotionnelle ou charge affective désigne la propension à se soucier d'autrui et à offrir des signes d'affection ou d'attention. Elle est particulièrement développée par les femmes, dans leur vie professionnelle et dans leur sphère privée.
La notion de « travail émotionnel » est forgée et diffusée en 1983 par Le Prix des sentiments de la sociologue Arlie Russell Hochschild, ouvrage qui connaît un grand retentissement aux États-Unis à sa sortie, puis dans de nombreux pays où il est traduit, et qui fait aujourd'hui partie des classiques des sciences sociales.
La notion est vulgarisée en France par une bande dessinée publiée en 2018 par Emma, déjà connue pour un précédent ouvrage sur la charge mentale. Emma définit la notion comme « le souci principalement porté par les femmes de mettre son environnement à l'aise aux dépens, souvent, de leur propre confort à elles » (Source)
Un article
Le blog de la dessinatrice Emma Le pouvoir de l'amour
Ne pas oublier, une autre inégalité criante : ce sont les femmes qui, massivement, arrêtent de travailler pour s'occuper des enfants.
Dans cet article du journal Le Monde " Selon l’Insee en 2018, 96 % des personnes qui arrêtaient de travailler pour prendre soin d’un enfant (ou d’un parent) étaient des femmes. En 2020, la part des mères de 25 à 49 ans dites « inactives » selon l’Insee (c’est-à-dire sans emploi et qui n’en cherchent pas) passait ainsi de 12 % à 17,8 % à la naissance du premier enfant, à 25 % avec deux enfants dont au moins un de moins de 3 ans et même à 52,5 % avec plus de trois. À l’inverse, le taux d’« inactivité » des pères, lui, diminue. Il passe de 6,2 % à 5,3 % avec l’arrivée d’un bébé, et à 3,5 % seulement avec deux enfants."
Poids des stéréotypes mais aussi différences salariales qui poussent les femmes à sacrifier leur emploi pour préserver les ressources de leur partenaire mieux rémunéré.